Vincent Courtois

                                 Autoportrait  24x39 cm  1997

 

Poésie ~ Collages ~ Mail-Art ~ BioBiblioBloc

Hommages

 

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Poésie

 

La Ville

 

La Ville  20x28 cm   2010

1.
Je cherche dans les villes que je parcours
Une ville et un rêve : un rêve devenu ville
Je cherche telle avenue
Ressemblant au grand fleuve jaune
Où s’écoulerait l’humanité
Pensante et désirante
Diversement comblée
Par son propre passage
 
Un bâtiment serait la montagne bleue
Que je pourrais gravir
Avec gravité dégagé des lois pesantes de la gravité
Et légèreté de pièce en pièce passant par d’oniriques escaliers dérobés
Je progresserais d’idée en idée
Escaladant les échafaudages de ceux pour qui une façade d’immeuble est un
   paysage mental qu’il faut, dans certaines conditions, rénover
 
Dérobant au souvenir de mes rêves
La réalité d’un simple franchissement
Je m’échapperais sur les toits
Comme on marche sur les nuages
Touchant le ciel de loin
Sur des passerelles tendues
Par l’homme-précaution : l’architecte
Qui bâtirait la ville de mes voeux
Au goût de nos imaginaires communs
 
Succession de ponts sans eau
Tunnels, esplanades
Quartier en bois
Quartier en béton
Quartier fait de vieilles ruines
Et de ruines toutes fraîches construites en tant que ruines pour et par le jeu de désirs
   passagers
Désir de destruction, désir de persuasion
Des enfants peut-être, des enfants architectes
Quartier de vieilles pierres, de fausses pierres, de nouvelles pierres
Champ de rues figées pour le rituel de la désolation
Terrain vague à améliorer soi-même
Choses à peine désignées pour tel usage, fonctions liées à la matière qui les compose,
   connaissance pratique du réel
Le savoir de la ville est dans son propre usage
Dans le simple usage de ce mot désarmé par l’usage
Désarmé par tant de parcours dans la ville

 

mis en ligne en octobre 2011  

 

Habiter  19x27 cm    2010
 
2.
Je lève la tête et reprends ma respiration dans le silence des moteurs
Le bruit sourd et blanc qui robotise la ville
Je contourne des voitures vides et d’autres pleines d’humanité décomposée
Elles me font le même effet qu’une armée de blindés dans une guerre permanente
Au milieu des carrosseries, je contiens (par souci de conservation) mes envies
   d’exploser dans ce métal humain
Je fais de mon parcours un entrelacs d’itinéraires à la mesure des obstacles ténébreux
   qui gênent ma progression mais qui dressent les méandres d’une carte aux chemins
   multiples, troubles et mélangés
Je hais cette ville dans laquelle je découvre accidentellement de quoi l’aimer encore
   quand je m’y plonge
De quoi penser à l’autre ville, intérieure, faite de toutes les villes parcourues un jour
 
Dans mon souvenir, c’est une impasse, un passage, une rue étroite dont les murs qui la
   longent me protègent de la lumière, de moi-même et des autres
Des murs qui n’en finissent pas de me suivre
Un pont, une passerelle sont le relais dans l’air au-dessus de l’eau d’une terre à l’autre
Il ne manque plus que le feu dit le soleil
Des jardins, des arcades gorgées de recoins, des places miniatures cachées par des
   broussailles mutantes
Le territoire de la ville est la carte intérieure d’une sensibilité exténuée
Il se parcourt et il se voit
A l’intérieur et à l’extérieur de soi
 
Plusieurs chemins mèneraient au même endroit, plusieurs moyens d’en repartir aux yeux
   de tous ou en secret
Des rues verticales aux pentes douces hélicoïdales formeraient des issues nouvelles et
   changeraient la manie, toujours vive et légitime, d’aller en avant et d’en revenir, d’aller
   d’un endroit à l’autre horizontalement et de repartir
Plusieurs entrées, plusieurs sorties, plusieurs liaisons entre les lieux, plusieurs chemins
   dans un même lieu
Je veux rêver à ciel ouvert, penser à même le sol, partir d’un point de vue, revenir me
   frotter à la pierre, sentir l’asphalte sous mes pieds et le ciel au-dessus
Etre le sujet et l’objet d’un passage
L’ensemble des raisons qui me poussent à marcher dans la ville résonne
Dans la nuit où je m’avance tous mes sens en avant, mon passé à la bouche, tous mes
   nerfs irradiés de pensées importantes sur le temps et l’espace

mis en ligne en mars 2012

 

 

Sans titre 19x27 cm 2011

 

3.
La ville est cadenassée
Les borderlines tournent en rond dans leur cage mentale
Les bien portants vont et viennent d’un endroit à l’autre
Accomplissant leurs coups d’éclat
Fuyant la durée qui leur ferait goûter la fadeur de leurs actions, l’inutilité de leur vitesse,
   l’ambivalence de leur déhanchement
 
Le pas qui les porte suit le rythme en pointillé d’une espace quadrillé
Parfois le son d’un talon sur l’asphalte se substitue au claquement sonore tout en finesse
   d’une charnière designée par la firme mercedes
Design et dasein alimentent le décor en reflet, sans substance mais profond de la ville
   post-moderne
Une ontologie de surface mais une ontologie
 
10 000 humains en même temps sous le même ciel que Li Po
Sont prisonniers volontaires de leur cage de métal
Ils vont à l’envers du sens commun, traversent des frontières inconscientes, se
   rallient à des causes apparentes
Dans le grand tournis d’une dépense productive
Ils ne jouissent de rien, du rien qui les pousse à recommencer
Fuyant le goût de la durée des choses
Fuyant le temps qui les fuit
Le temps qui a fuit la structure de cet espace composé
Et qu’ils comblent en retour (et comme par vengeance) de leur misère dérisoire
 
 
Plus personne n’habite la ville

 

mis en ligne en mai 2012

 

 

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2 juin
 
 
ill. Eugène Ionesco, la Cantatrice chauve
 
Me souvenir de la façon dont on écrit un mot : voix ou voie
Index retourné vers la gorge indique la barre du x
La voie c’est autre chose qui s’ouvre
Qui s’ouvre sur l’avant
 
Lequel écrire quand on écrit glisser à l’autre
La petite voix étrange qui lisse
De la pensée tout mot pensé
Est un labeur, écorchure, déchet, déjà avant sortie
 
Je me souviens du moment
Où j’ai acquis la distinction
Entre les mots
La capacité de les écrire
Extériorisation du schéma : la barre du x, la patte du e
Le creux de l’un réuni au croisement de l’autre
Je me souviens du lieu du temps
Qu’il faisait de ce que je faisais du moment
Du mot illisible
Je m’en souviens
Dans un souvenir
Exténué  
4 juin
 
La transparence nous entoure, nous sépare
Elle ne nous traverse pas
Notre regard passe
A travers les structures qui la tendent
 
La transparence nous vole
D’abord le regard
Absolument libre
Puis tout le reste
Tout ce qui s’agglutine, se dérobe, se dévoile
 
Mon œil et mon moi se confondent
Dans une sensation générale de miroitement

 

5 juin
 
Il n’y a plus d’objets extérieurs
Vers quoi se projeter ou tendre
Sortir de sa douleur
Un fil de vie, une vibration
Fin de la vitalité, début de la mort
La mort vivante
Organes à bout de souffle
Souffle à peine voilé
 
Dans le chatoiement des choses
L’immédiateté du temps
Je sais ce que j’ai traversé, vécu
Mais je ne me résout pas
A comprendre pourquoi
A donner un sens
Inexploité, encore
 
 
26 juillet
 
Je me souviens assis un jour
Et je me rappelle tous les jours aussi
Où je me suis assis à contempler
Le temps le ciel le soleil ma vie passée
 
Assis avec des amis disparus, devenus
En tailleur autour du rêve : un feu
Autour d’un projet commun : vivre
Et puis alors dissolution dans le réel
 
La drogue, toutes
Leurs caractéristiques techniques
Représentations intérieures
Effets qu’elles génèrent
Sur l’arrière-pays mental
 
Il y a plusieurs niveaux de réels
Plusieurs façons de les percevoir
Des objets traînent laissant leur utilité
Ressurgir au moment de leur usage
Juste avant, quand leur besoin d’eux vient

 

17 septembre
 
Je suis une machine
Je souhaite l’humanité
Ce à quoi j’aspire
Est ce qui m’échappe
Je suis conscient
Une conscience haute pleine de hauteur
 
Perdu dans les illusions
De la pensée moderne
Et de ses pratiques
Je me plains j’appelle
Les anciennes illusions antiques
Dans un sursaut de grandeur
 
 
19 septembre
 
Le rêve est blanc
Chaque scène est plane
Forme un tableau de verre encadré de métal
Fixe
Plusieurs tableaux sont liés
Grâce à une huisserie de précision
C’est une suite de plans blancs
 
Il n’y a pas d’émotions qui puissent s’épanouir là
Dans ce plan de la vie
Pas de continuité même si le temps s’écoule
Il passe par à-coups
Le temps non plus n’est pas libre
L’espace figure l’encerclement
 
Le cadre est vide
Panneaux de verre
Ambiance ni claire ni sombre
Cadres de chrome enserrant le verre
Plan fixe se succédant
Cela s’articule seulement
Par des gonds de chrome
Soudés au cadre
Le rêve est blanc
Comme l’écriture peut être blanche
L’alcoolisme blanc
Le temps
 
C’est blanc et sombre
Blanc sur un autre plan que le blanc
Sombre
Plus triste que les nuits
Sur un autre plan
Un autre plan de la vision
Noir et immobile
 
 
24 septembre
 
 
Le temps presse
La nuit revient toujours
Auprès des lieux qui ont souffert
Et leurs murs longs
Pierres suintant l’ennui et la sueur
Un chant lointain se propage
Le temps presse
Une lueur moderne répète son projet
Elle clignote dans la nuit
Les lieux où l’on revient toujours
Dans la peine et l’espoir
De revoir
Un ami d’y revoir son visage
Alors sa propre pensée
S’épuise
 
 
 
7 octobre
 
 
C’est moi qui parle
Qui me vois parler
Et qui m’étonne que cela soit vrai
Que cela soit comme ça que je parle
Que cela soit moi qui parle
 
Il y a toujours
Ma pensée qui pense
Qui ne s’arrête jamais
Avec ou sans énergie
Elle pense à la pensée
 
 
8 octobre
 
 
J’ai l’impression de me solidifier
Puis de me fissurer
Et en morceaux
D’être emporté
 
J’ai l’impression d’être vide
D’être traversé de l’intérieur
Par une industrie lourde
Une forge ancienne
 
 
 
10 octobre
 
 
Glacé par la peur
Des pieds à la tête
En passant par le ventre
Ce cœur de la peur
Je me sens glacé
Pris dans une banquise d’humanité
Dévorante
Une déportation intériorisée
Une intériorité galopante
Galopant sur un océan de glace
 
Je veux me perdre dans l’océan des choses
Glisser le long des quais
Où l’eau s’écoule lentement
Passer sur l’onde liquide
Qui m’emporte
La bouche à peine ouverte
La peau de papier
De ce si long séjour dans l’eau
S’effilochant
Les lèvres prises dans ces derniers mots
 
 
Janvier 2011
 
Intégral mis en ligne en juin 2011

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pas de pensée possible
fixe
impossible de se souvenir
ou de
fixer son attention
tout est perdu
nous sommes
prisonniers
   
un peu de dérision
essai
du temps connecté
d’unité retrouvée
joie communication
l’un à l’autre
nous sommes
le passage
   
et pourtant
il faut bien vivre
commencer par un morceau
un morceau de vie
coupé
dans le bon sens
nous, je  
   
 
 

 

là où
la lutte des classes
jouait son rôle
la conscience de
maintenant le vide
d’une lutte sans fin
intérieure
contre soi-même
et les formes pures
de l’expression vitale
les formes de vies terrestres devenues urbaines
anéanties
l’individu
désarticule
répète sans faille
le même cheminement
qui le conduit
là où
   
 
 

 

durée du moment
tout redevient possible
attente
partie immergée iceberg
point focal
connexion flux perte énergie
attente
chaque geste impossible chaque action
gratuite impossible impossibilité
continuer faire ça
vivre ça
attente fin
fin pensée
comme
sommeil  
 
 
 
 
ne plus penser
suffire le vide
désir de transmettre immédiat
ce qui existe à l’intérieur
c’est incroyable
sur le moment à l’image précise
exacte de ce qui existe à l’intérieur  
 
renoncer à la satisfaction pulsionnelle
marquer, signer, gagner, conquête
renoncer en rêve  
 
se réfugier dans voir l’invisible
un instant
essayer encore, classer le processus
surnager à la superficie des choses profondes sans se noyer
approfondir sa pratique, sans illusion
quand c’est possible sinon continuer vivre, et plus
 
 
revenir à la respiration
au liquide dont on dit qu’il coule
au sentiment passager de possession de son corps
un air frais passe comme la pensée de quelqu’un d’autre
son parfum et le sens des mots l’emporte
laisse tomber la rigidité et nous rend plus léger
garder mélancolie dans coin d’été
oublier la respiration recommencer  
 
septembre 2010

 

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Collages

Critique du ciel et de la terre   28x28 cm   2009         mise en ligne juin 2011

 

 

Victoire sur le soleil   23x19 cm    2006      mise en ligne juin 2011

 

 

Sans titre  18x23 cm   2011

 

 

Sans titre 19x27 cm 2011

 

 

La Ville  20x28 cm   2010

 

 

Habiter  19x27 cm    2010
 
 

 

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Mail-Art

 

Masques                                                                                                    2011

 

Saving environment                                                                               2007

 

Le mail-art consiste à créer, diffuser et recevoir par le biais de la Poste des "oeuvres" artistiques : dessins sur enveloppes, cartes postales artisanales, tout objet décoré et timbré…
Leur composition est un jeu avec l’esthétique postale et les différentes codes qui la caractérisent : timbres, tampons…

L’appel à contribution permet de solliciter des artistes pour qu’ils envoient une œuvre sur un thème prédéfini. Comme ci-dessus cette carte postale de 2007 avant d’être postée, sur le thème  Saving Environment.

Pour en savoir plus, lire Qu'est-ce que le mail-art ?

 

Vincent est présent sur les sites spécialisés suivants présentant les lettres passées par la Poste

http://www.chernovik.org/vizual/?rub_id=6&sub_id=154&leng=ru&show_mat=271&sub_id2=173 

http://jnpand.blogspot.com/2007_06_01_archive.html 

http://mosacollections.tripod.com/id17.html 

http://www.mailartmeeting.com/festastoriaOPERE.html#420 

http://ganthine.blogspot.com/2006_11_26_archive.html 

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BioBiblioBloc

 

Né en 1970. Découvre le mail-art en 1986.
Pas de formation artistique : pratique le collage depuis 1990.
Expose depuis 2000.
 
Illustrations dans des revues : Contre-Allées, L’Echappée belle, N4728, Ouste, Traction-Barbant, Verso.
 
A écrit un essai sur la technique du collage "Confessions d’un collagiste" paru dans Diérèse n° 36 (2007).
 
Des récits dans  Diérèse, La Vie secrète des mots.
 
Deux recueils de poèmes : "Je suis le rêve" & "Passage" (Ed. du contentieux, 2002 & 2012).
 
Deux autres qui n’ont pas trouvé d’éditeur : "Variations sur un thème alcoolique", "Music !"
 
Diffuseur des éditions Palimpseste : http://www.editions-palimpseste.com

 

 

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Hommages

 

à Pascal Ulrich

 

 

 

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