Clin d'Oeil de Jean-Claude Tardif
LE CHAT D'EMERSON
à Jean-Marc Couvé
Ses doigts cherchent le tabac mélangé.
Il parle d'un autre ; d'un ami poète
qui d'un stylo gravait des épitaphes aux anges.
Odeur de tabac de virginie je revois la baie de Chesapeake
les crêts bleutés des Appalaches.
Me revient aussi une phrase d'Emerson
qui jamais peut-être ne vit Richmond, ses plantations
« N'allez
pas là où le chemin peut mener »
Je
m'apprête à la murmurer
mais les mots se perdent dans les arômes blonds.
La fumée s'élève.
Dehors
un chat lape un lait trop froid,
la bruine y larme.
Derrière la vitre, à gestes mesurés
deux femmes parlent du quotidien comme on parle de la mort ;
mouche dans le lait
« Allez
là où il n'y a pas de chemin et laissez une trace »
me
murmure encore la voix d'Emerson puis elle s'efface
derrière les volutes bleutées.
Je me demande où cela nous mènerait.
Lui tape sa pipe sur le verre du cendrier
comme
lentement j'avais choisi mes mots ce jour là
pour éviter l'approximation
dans cette
très ancienne librairie de Boston,
quand j'achetai Concord Hymm loin de Richmond et de ses vieux quartiers
aux relents noirs de tabac et coton.
Dernière la vitre le chat nous regarde
dans sa moustache deux gouttes de lait trop blanches
pour être autre chose qu'un poème.
copyrighht jean-claude Tardif -inédit- 2007
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